Lexique


Le Théâtre-Action utilise un vocabulaire spécifique qui définit ses enjeux, son action et sa culture de la création collective. Nous avons voulu ici faire figurer l’ensemble des termes qui nous sont usuels et les définitions qu’ils recouvrent. Ils permettent de mieux comprendre les fondements artistiques de nos actions et créations théâtrales.

A l’heure, où le théâtre dit ‘classique’ se préoccupe de plus en plus des enjeux sociétaux actuels, la démarche de travailler de manière permanente (de l’écriture à la création mais aussi avant et au-delà) avec une population qui n’a pas l’habitude de prendre la parole ou d’exister sur l’espace publique et encore moins dans un cadre artistique, a été et reste la définition fondamentale de notre action théâtrale.

Le Théâtre-Action 

Il y a presque autant de définitions du Théâtre-Action que de compagnies, voire de « comédiens-animateurs qui à minima se rejoignent dans le développement d' "une pratique théâtrale en vue d'agir sur le fonctionnement social et son expression".     Mais en FWB, le Théâtre-Action est avant tout un secteur professionnel des Arts de la Scène, qui a vu sa reconnaissance confirmée par un Arrêté d'exécution du gouvernement à la suite du Décret de 2003 de la Communauté Française.     Historiquement, le nom "Théâtre-Action" provient d'une Compagnie de Mulhouse qui développait une pratique identique à celles développées par un ensemble de Compagnies belges francophones depuis les années 60. C'est à la suite de contacts et relations entre cette Cie française et les Cie belges (qui constitueront le début d'un secteur) que le nom s'importe et se développe en Belgique francophone. L’existence d'un secteur spécifiquement reconnu à nos pratiques est semble-t-il unique. Les spécificités sont les suivantes:
  • Une Cie constituée en structure collective (sous forme d'asbl),
  • Un engagement d'artistes permanents sous le nom de comédiens-animateurs,
  • Le développent permanent de "pratiques théâtrales visant à renforcer" les moyens d'expression du public cible, "leur capacité de création et leur implication active dans les débats de la société". Ces pratiques prennent communément le nom de: création-collective en ateliers.
  • Une adresse à un public-participant et un public-spectateur dont la situation est définie par l'arrêté d'application comme étant "des personnes socialement ou culturellement défavorisées",
Au-delà de la définition du public-cible donnée par le décret, de longs débats ont agité les compagnies et la Fédération du Théâtre-Action. Les interprétations et la variabilité des deux paramètres donnent lieux à des interprétations forts différentes. La question est toujours restées ouvertes: Qui est socialement et culturellement défavorisé? Et au regard de qui ou de quoi? Il y a par contre unanimité du secteur pour définir le public cible du Théâtre-Action comme étant un "alter-public". C'est à dire un public autre que celui qui fréquente habituellement les lieux de Culture et Théâtre de la FWB. Soit une bonne part des 95% d'habitants qui n'ont pas assisté à une représentation théâtrale ou qui déclarent n'y aller qu'une ou quelques fois par an (rapport focus 2018  p.40).  

La comédienne-animatrice ou le comédien-animateur

Fonction-clé, tout à la fois :
  • Il développe un processus de formation, de création et de réalisation avec des publics participants qui se réunissent dans le but d’une création collective,
  • Il pratique la dramaturgie, l’écriture théâtrale, la scénographie,…
  • Il fait la mise en scène avec le collectif,
  • Il fait le lien avec les institutions/associations qui collaborent au projet de création,
Parfois, il assume seul l’ensemble de ces fonctions, parfois il travaille en partenariat avec d’autres collègues (spécialisés ou non).

Les publics participants 

En théâtre-action, il est notre public premier. Celui avec lequel va se construire la création collective et/ou se récolter la matière pour la création autonome.

Les publics spectateurs 

Celui que l’art dramatique appelle le public, composé des personnes qui viennent s’assoir et regarder un spectacle, ou de celles qui seront interpellées par le théâtre d’intervention, animation, forum, agora, invisible, etc, où de manières diverses, il devient , pour un temps court, acteur du spectacle.

La création-collective 

Processus qui implique un collectif dans la récolte de l’information et l’invention d’une parole collective. Essentiellement, le collectif s’appuie sur l’expérience de chacun et parfois de celle d’un groupe existant. Les membres du collectif deviennent les comédiens de la création ou parfois ils s'investissent sous d’autres formes : écriture, régie, organisation,... Le propos du spectacle est assumé comme étant le propos porté conjointement par le groupe et la Cie.

La Création autonome (ou « propre ») 

Création qui rassemble des comédiens (-animateur ou pas) de la compagnie ou artistes professionnels les accompagnants. Sur base des propos récoltés par les participants, elle suit, avec des nuances, les mêmes principes de création collective et est en rapport les créations en ateliers, leurs thématiques, leurs enjeux, leurs publics. Le propos du spectacle est assumé comme étant le propos porté par la compagnie.

Le Théâtre Forum 

Une forme particulière du Théâtre-Action (parmi d’autres), mise au point dans le « théâtre de l’opprimé » inventé par Augusto Boal. Tout comme dans la « commedia dell’arte », une série de rôles sont préalablement définis : l’oppresseur, l’opprimé, le joker, le témoin,… Le premier temps de la représentation proprement dite se clôture sur une situation insatisfaisante ou dramatique. Par différentes techniques d’animation, les spectateurs, invités à changer le déroulement de l’histoire, peuvent monter sur scène pour remplacer un des protagonistes et la scène choisie est rejouée.

Le Théâtre agora 

Comme dans le théâtre forum, le spectacle ne s’arrête pas à la représentation. Celle-ci se poursuit à l’intervention des comédiens-animateurs qui, maintenant leurs rôles et leurs personnages, et ceux-ci provoquant la prise de parole, poursuivent l’action en la développant avec les spectateurs, transposant sur le terrain concret des spectateurs la thématique jouée dans le spectacle.

Le Théâtre d’intervention 

Séquence théâtrale ou spectacle complet qui se déroule dans un lieu où la population a priori non avertie, peut devenir spectateur de la représentation proposée (en rue, dans une conférence, une réunion politique ou militante, un autre spectacle, manifestation publique,…)

Le Théâtre invisible 

Autre forme théâtrale issue du « théâtre de l’opprimé » et de théâtre d’intervention, un tel spectacle ne se dévoile pas comme tel. Il se déroule en tout lieu public où il cherche à transformer, sans qu’ils en soient conscients, les spectateurs en acteurs involontaires d’une séquence inventée, et à réagir en situation réelle. A utiliser avec la plus grande prudence.

La Conférence Gesticulée 

Certaines compagnies de théâtre action – et le CTA- ont fait connaître cette pratique comme complémentaire du théâtre-action. Son initiateur et vulgarisateur Frank Lepage (France) la définit comme une conférence qui mélange des savoirs chauds (propre à l’histoire personnelle du conférencier) et des savoirs froids (données scientifiques ou administratives, informatives qui ne proviennent pas de l’expérience personnelle du conférencier). Une conférence qui sort du rapport académique avec le public. Sur ce plan cette forme rejoint des spectacles de conférences théâtralisées expérimentés de longue date dans le théâtre action, dont il partage les objectifs : promouvoir le changement social, porter dans un espace dédié à la parole une information méconnue et la critiquer de manière sensible et compréhensible. La démarche se différencie du théâtre action en ce que ce lui-ci s’appuie sur un collectif tant pour la récolte du « savoir chaud » que pour l’exécution sur scène. La conférence gesticulée s’appuie sur le seul conférencier. Toutefois, en théâtre action, nous voyons apparaître des seuls en scènes.